Extrait N° 18 Le moment que je redoutais le plus.


Le moment que je redoutais le plus était arrivé, effectivement, quelque temps plus tard, ma mère a rejoint Sylviane. C’était la première fois qu’elle me voyait depuis l’accident. C’était ma sœur qui lui avait annoncé le drame, elle ne lui avait pas trop dit sur mon état général, pour faire en sorte de ne pas trop l’inquiéter. 

 
Bien sûr, en me voyant, elle s’est effondrée, puis elle m’a posé un flot de questions :
— « Est-ce que tu arrives à bouger tes mains, tes pieds ?
— Non, je n’arrive à rien, maman.
— Mais essaye quand même ! Bouge au moins les doigts !
— Non, maman ! Rien ne bouge. Ne cherche pas !
— Mais ce n’est pas possible ! » Dit-elle en éclatant en sanglot, remuant la tête en signe de refus.

            Puis elle s’est murée dans le silence, abattue par la souffrance. Elle effleurait doucement mon visage d’un geste tendre. La réalité conjuguée à son impuissance l’avait anéantie. Ne voulant pas la laisser partir si malheureuse, j’ai essayé tant bien que mal de lui redonner espoir :
— « Je vais me battre maman pour sortir de cette impasse, ne t’en fais pas. » 
  

Au moment de l’embrasser, je n’ai pas réussi à retenir mes larmes. C’était déchirant de voir ma mère accablée à ce point. L’après-midi avait été épuisante, émotionnellement parlant.
Ma sœur a prolongé sa visite jusqu’à l’heure du dîner, fin de pouvoir rester un peu plus longtemps avec moi. C’est elle qui m’avait fait manger. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour, on me donnerait de nouveau mon repas à la cuillère, tel un bébé. À 22 ans, tout mon amour-propre s’était envolé. Cela me laissait un goût amer dans la bouche en pensant à ma nouvelle vie !
Vers 21 heures, les infirmières faisaient le tour des chambres, distribuant des petits cachets pour remplacer le marchand de sable. Le sommeil était un très bon refuge pour trouver du réconfort.          J’étais comme seul au monde, sans la moindre intimité, dans cette immense pièce sombre remplie de ronflements étrangers. En attendant de m'endormir, les mêmes interrogations repassaient en boucle dans ma tête, me meurtrissant chaque fois un peu plus. Désormais, il y aurait un avant et un après. Impossible de revenir en arrière.


Sortez-moi vite de ce cauchemar…

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