Le matin
arrivait vite, je vivais un scénario de désolation : la toilette intime,
c'était ma hantise, un mauvais moment inévitable qu’il me fallait subir. Lorsque je voyais arriver les aides-soignantes
avec une petite cuvette bleue remplie d'eau chaude encore fumante, ou alors lorsque je voyais arriver le brancard de bain
toujours du même bleu, pour aller prendre une douche et ceci une fois par
semaine. En principe, la douche te relaxe, elle te débarrasse de beaucoup de
tracas. Lorsque l’eau coule sur ton
corps, chaque goutte d’eau enlève un poids à tes ennuis, c’est du plaisir, et
tu te détendre ou te réveil très rapidement. Sauf que là, je soupirais au fond
de moi ! J’étais allongé sous le drap, attendant leurs mains qui allaient
me déshabiller, c’est avec complexe que je les regarde faire.
Ma dignité perdue
m’oblige à censurer ce passage de mon esprit. Je gardais malgré tout le sourire
afin de ne pas exhiber mon mal-être. Quel embarras de devoir être lavé de la
tête aux pieds ! Tout mon amour-propre s’envolait, je vivais une sorte de profanation
de mon être. La douleur que je ressentais à cause de mon handicap était
tellement forte que je ne supportais pas que l’on me regarde.
D’ailleurs, je
n’avais pas encore émis le désir de voir mon reflet dans un miroir. Je voulais
conserver en mémoire celui que j’avais été, pas voir l’homme que j’étais
devenu, comme on refuse de voir la dépouille d’un être cher, pour garder en
nous sa plus belle image.
Sans
oublier les conséquences désobligeantes liées à la perte de contrôle des sphincters
quand il fallait changer ma couche ! J’en avais horreur, j’avais ma fierté
et je ne voulais plus m’offrir allègrement à tout ce monde. J’aurais voulu
rester maître de certaines situations. Mon cœur se serrait, mes dents aussi se
serraient au fur et à mesure que les mains gantées des infirmières
s’approchaient de moi j’avais comme l’impression que l’on m’arrachait les
tripes du ventre. Heureusement, au bout de trois mois, j’ai retrouvé
suffisamment d’autonomie pour faire ma toilette moi-même et éviter cette
humiliation.
Je passais des heures entières à me
laver seul avec une cuvette de six litres d’eau installée près de mon lit. Je
nettoyais le moindre centimètre carré de mon corps. Tous les jours, je voulais
en faire plus, un peu plus, et encore un peu plus ! Je me réjouissais
devant cette réussite, je ne pouvais que me sentir mieux ! En tout cas, je
me battais sans relâche et sans limites, c’est pour cela que j’ai accepté la rééducation
ano-rectale par biofeedback ! Deux fois par semaine, pendant une
demi-heure, ma fierté sombrait dans l’oubli ! Ce handicap caché était très
déchirant !
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