Extrait n° 21 La profanation de mon être



Le matin arrivait vite, je vivais un scénario de désolation : la toilette intime, c'était ma hantise, un mauvais moment inévitable qu’il me fallait subir.  Lorsque je voyais arriver les aides-soignantes avec une petite cuvette bleue remplie d'eau chaude encore fumante, ou alors lorsque je voyais arriver le brancard de bain toujours du même bleu, pour aller prendre une douche et ceci une fois par semaine. En principe, la douche te relaxe, elle te débarrasse de beaucoup de tracas.  Lorsque l’eau coule sur ton corps, chaque goutte d’eau enlève un poids à tes ennuis, c’est du plaisir, et tu te détendre ou te réveil très rapidement. Sauf que là, je soupirais au fond de moi ! J’étais allongé sous le drap, attendant leurs mains qui allaient me déshabiller, c’est avec complexe que je les regarde faire.
 Ma dignité perdue m’oblige à censurer ce passage de mon esprit. Je gardais malgré tout le sourire afin de ne pas exhiber mon mal-être. Quel embarras de devoir être lavé de la tête aux pieds ! Tout mon amour-propre s’envolait, je vivais une sorte de profanation de mon être. La douleur que je ressentais à cause de mon handicap était tellement forte que je ne supportais pas que l’on me regarde. 



D’ailleurs, je n’avais pas encore émis le désir de voir mon reflet dans un miroir. Je voulais conserver en mémoire celui que j’avais été, pas voir l’homme que j’étais devenu, comme on refuse de voir la dépouille d’un être cher, pour garder en nous sa plus belle image. 


            Sans oublier les conséquences désobligeantes liées à la perte de contrôle des sphincters quand il fallait changer ma couche ! J’en avais horreur, j’avais ma fierté et je ne voulais plus m’offrir allègrement à tout ce monde. J’aurais voulu rester maître de certaines situations. Mon cœur se serrait, mes dents aussi se serraient au fur et à mesure que les mains gantées des infirmières s’approchaient de moi j’avais comme l’impression que l’on m’arrachait les tripes du ventre. Heureusement, au bout de trois mois, j’ai retrouvé suffisamment d’autonomie pour faire ma toilette moi-même et éviter cette humiliation.
                   
 Je passais des heures entières à me laver seul avec une cuvette de six litres d’eau installée près de mon lit. Je nettoyais le moindre centimètre carré de mon corps. Tous les jours, je voulais en faire plus, un peu plus, et encore un peu plus ! Je me réjouissais devant cette réussite, je ne pouvais que me sentir mieux ! En tout cas, je me battais sans relâche et sans limites, c’est pour cela que j’ai accepté la rééducation ano-rectale par biofeedback ! Deux fois par semaine, pendant une demi-heure, ma fierté sombrait dans l’oubli ! Ce handicap caché était très déchirant !

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