Mon
échappatoire
Mes échecs
sont mes forces,
mon carburant pour alimenter
mon souffle d’espoir.
mon carburant pour alimenter
mon souffle d’espoir.
Mon kérosène,
c’était aussi cette échappatoire accréditée par les médecins, enfin une
rémission, un entracte dans ce challenge. Bientôt, j’allais pouvoir rentrer sagement
chez moi. Retrouver le souvenir lointain de la maison que j’avais dû abandonner
violemment pour atterrir dans ce lieu inconnu, là où je ne voulais pas faire un
naufrage. J’avais obtenu une permission officielle. Le docteur venait de m’apprendre
que j’allais pouvoir quitter l’hôpital pendant le week-end suivant, et ce pendant
dix heures. Il m’accordait le dimanche pour commencer, car j’avais encore des
soins médicaux à recevoir le matin et le soir. J’avais hâte que la semaine
s’achève. Dans l’hôpital, j’avais le sentiment d’être sans demeure, avec des
gens que je ne connaissais pas vraiment, même si nous avions lié une
pseudo-amitié. Je n’avais même plus ma propre odeur, je sentais comme tout le
monde, je sentais l’hôpital. Auparavant, mon linge dégageait un parfum de
lessive, même ça, je ne l’avais plus. Ma vie était imprégnée de cette
empreinte !
Mon père est venu me chercher vers 10 heures,
horaire retenu par les médecins. J’étais prêt bien avant l’heure, je piétinais
assis dans mon fauteuil, devant une fenêtre qui donne juste en face de l’entrée
de l’hôpital. Mon regard était fixe, rien ne pouvait le détourner de sa cible.
Un petit quart d’heure a passé et j’ai enfin reconnu la Renault 14 verte
paternelle. Je la distinguais aisément des autres, car elle n’était pas très
bien entretenue.
J’étais heureux
de voir cette « poire » arriver, je savais qu’elle allait m’emmener
vers mon petit chez moi. Quand mon père est entré dans ma chambre, il m’a été impossible
de masquer mon émoi. Nous avons échangé quelques mots. Mon voisin de chambre,
qui lui, restait là, a remarqué ma joie.
Il était content pour moi et m’a souhaité un
bon dimanche. En prenant les poignées du fauteuil roulant, mon convoyeur m’a
dit :
— « Allez
fiston, on y va ! »
Il
me poussait sans trop parler, partagé entre la joie et la désolation. La joie
de me ramener à la maison pour quelques heures et la consternation de me voir
aussi anéanti. Il a fallu me contorsionner quelque peu pour m’installer dans ce
« siège ambulant », qui m’emmenait vers ma semi-liberté. J’avais le
sourire aux lèvres, le visage empli de joie, je me sentais enchanté de regagner
mon chez-moi, mon village, ma chambre, de retrouver toutes ces odeurs perdues.
Les mots ne sont pas assez forts, pour décrire le plaisir de regagner ce petit
monde égaré.
Une petite heure
de route et j’étais arrivé chez moi. Ce n’est pas sans bouleversement que j’ai
retrouvé la maison. Cela me faisait quand même bizarre d’être là, de me
retrouver devant chez moi, ce lieu que j’avais quitté debout sur mes deux
jambes, et que je retrouvais sans presque pouvoir les bouger.
Mon père m’a
descendu de la voiture en me portant. Cela faisait très longtemps que je ne m’étais
pas retrouvé dans ses bras, ses gestes étaient adroits, je ne savais pas quoi
lui dire. Étais-je vraiment redevenu un
enfant ? Son visage était malgré tout souriant surement pour mieux
contenir ses émotions. Aussi, voulait-il me rassurer ? Je voyais ses yeux qui
restaient concentrés sur sa trajectoire, il ne voulait en aucun cas faire un
faux pas. Moi de l’autre côté, derrière mon handicap, je me laissais complètement
aller en attendant de surmonter tous les
orages.
Il m’a porté
jusqu’à l’étage en passant par l’escalier extérieur, sous le regard de mon
frère et de ma sœur qui étaient heureux de me voir arriver et de me retrouver
dans ce pavillon familial. Les rideaux des maisons avoisinantes ont bougé, des
curieux épiaient la scène. La table était dressée, un bon repas m’attendait. Mon
père avait cuisiné copieusement, des œufs durs avec du thon mayonnaise, des
pommes de terre sautées et un bon morceau de viande, rien de bien compliqué, mais
vraiment tout ce que j’aime. Toute ma petite famille était aux petits soins
pour moi, j’étais heureux de partager ce moment avec elle et je savourais chaque
instant avec plaisir.
Je ne me
souvenais pas qu’un moment autour d’une table familiale pouvait être aussi
agréable. On oublie très vite dans la vie les simples événements qui procurent
un véritable bonheur.
Nous avons passé
l’après-midi dans le calme, restant autour de la table, à papoter. J’étais le
sujet principal de la plupart des discussions, j’étais le protagoniste de ce
moment. Le temps avait passé avec une rapidité impensable, c’était bientôt
l’heure du départ. Je ne voulais pas regagner l’hôpital, je ne voulais pas
rejoindre ce monde des fauteuils roulants, j’avais un goût amer, un goût de
désespoir dans ce monde d’espoir.
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